Presque un sabot en Slovénie... |
Entre montagnes et plaine, nous progressons de village en
village. Le remembrement agricole des années quatre-vingt-dix a eu le
déplorable impact d’anéantir bon nombre de chemins d’exploitation et
d’asphalter les pistes de terres qui restaient. Le bitume, même sans trop de
circulation, est ennuyeux et fatiguant pour tout le monde. Il est plus que
déplaisant que de se faire frôler à toute vitesse par des bolides irrespectueux
et inconscients. Certaines personnes n’ont pas la patience d’attendre que nous
dégagions une rue étroite. Par trois fois, des rétroviseurs entrechoquent les
caisses de bâts. Un peu plus serré et il aurait fallu faire un constat amiable,
sûrement agrémenté d’un poing dans la g****e, mis à part que la carrosserie de
nos véhicules à poils n’est pas franchement réparable, jetable, changeable, ou
que sais-je d’autre ? Là, on parle tout de suite de vie, de blessure ou
même de mort. Tout peut aller si vite, le cheval reste un animal, donc
imprévisible. Maintes fois nous pensons aux voyageurs en roulottes, et nous
leur tirons bien bas notre chapeau pour affronter ces grands prédateurs de tôle
aux maîtres sans vergogne. Les sorties de virages sont de véritables
embuscades. Nous avons encore l’avantage de ne pas prendre trop de place sur la
chaussée ou sur le bas-côté lorsqu’il y en a, de pouvoir se dégager en trottant
dare-dare lorsqu’on entend un engin vrombir en notre direction. Oreille tendue
et vigilance. Divagation de chiens prohibée, on s’égosille maintes fois…
Andrea s'attelle à la corvée de foin. |
Un terrain de foot abandonné fait notre bonheur pour un
nouvel arrêt forcé de quelques jours. La gonfle de Vasco n’a toujours pas
disparu. Les habitants de Laverda nous accueillent avec beaucoup d’amitié.
Niché au creux du commencement des Préalpes, ce paisible village nous laisse un
agréable souvenir. Nous sommes toujours reçus par d’innombrables sourires, tout
le monde taille un brin de causette, nous priant de rester encore un peu, que l’herbe
du stade a encore besoin d’être broutée par nos tondeuses à pattes. La famille
voisine est reine en termes d’hospitalité. Fabio est toujours prêt à nous
obtenir ce dont nous avons besoin, offre la divine douche, nous invite à
découvrir les saveurs italiennes, met son ordinateur à disposition pour rédiger
le blog. Son petit-fils Andrea de deux ans est la mascotte des lieux. Il est
connu de chacun et n’est pas timide pour un sou. Babille et sourit à tout va.
Volontaire, le voici râteau en main pour aider Giovana sa mère, Laurela sa
grand-mère et Ornella son arrière grand-mère à ramasser le foin que Fabio vient
de faucher. Tout ce travail à la main pour entretenir le terrain et tenter de
gagner quelques sous. Auparavant l’arrière grand-père avait des vaches
laitières, mais plus personne ne veut reprendre ce genre d’activité. Les hautes
herbes et les arbres envahissent tout. « Tutto questo lavoro per
niente !(1) » déplore Ornella, sueur au front. Igor, le père
d’Andrea, qui a hérité de quelques rangs de vignes propose de goûter son vin.
Nous découvrons alors qu’il est souffleur de verre. Il œuvre à l’usine, mais
exerce aussi pour son plaisir dans son atelier personnel. Ce soir, il se met en
tête de nous sculpter une tête de cheval en souvenir de sa famille.
Intrusion au coeur des bouchons de Bassano del Grappa. |
Guia, règne du prosecco au pied des Alpes. |
Denis et ses employés de Nani Rizzi. |
Encore une fois, nos voisins savent prendre soin de nous,
nous remontent le moral et montrent à quel point l’Italie peut-être
chaleureuse. Cécilia, amie fidèle,
vient nous trouver depuis Verona. Denis, le patron de la cantina Nani Rizzi
propose son aide sans hésiter, d’une disponibilité incroyable. C’est aussi le
repère pour un bon apéro au Prosecco le soir venu avec ses amis. Un lieu de
travail mais également de retrouvailles. Son cousin Giovani s’approvisionne
chez nous en crottin pour ses pieds de vigne. Il rigole en réclamant
l’exclusivité dans une déferlante de patois inintelligible. Un sacré luron qui
ne se tari pas d’histoire abracadabrantes. Hefrem aussi est souvent au
rendez-vous. Géomètre bon vivant, amoureux du Népal, il compte bien s’y
installer dès que ses enfants seront autonomes. Pierre-Angelo, autre géomètre,
se charge de nous ravitailler en foin pendant que Denis fourni l’eau. Le
campement de fortune se monte peu à peu comme une maison secondaire. Roberta,
la secrétaire nous invite à déjeuner en compagnie de ses enfants. Peut-être y a
t-il trop baigné petit, toujours est-il que son fils Matteo deviendra
œnologue !
La constante bonne humeur d'Hefrem. |
Nous avons nos petites habitudes au bar. Diego, le
tenancier, tout d’abord un peu réservé, décide de lâcher les soupapes un soir.
Tout le monde rapplique comme s’il y avait une occasion spéciale à fêter. On
nous explique que non, cela arrive de temps en temps qu’une telle énergie
déborde dans le quartier. La lune y est-elle pour quelque chose ? Si c’est
elle qui lance la machine, la bière fini le travail et coule à flots. Diego ne
veut plus que ses clients payent le moindre verre. Ennio lui-même se laisse
emporter. Pilier de bar mais d’un naturel raisonnable, il est routier de métier
et demain il se lève à l’aube. Le spectacle commence à prendre de l’ampleur.
Voici Diego qui sort et démarre la tronçonneuse…pour tenter de couper les
citrons et faire des mojitos !!! Nous ne pouvons que l’élire meilleur
barman du monde. Tout le monde crie et rie dans le bistrot. Les yeux pleurent,
des crampes se font sentir dans les abdominaux.
Comedia del Arte biomecanique, ou vision d'une gueule de bois ? |
Malgré nos recherches, nous n’avons toujours pas de carte
plus détaillée pour poursuivre notre chemin. L’hippovia est ennuyeuse et use le
fer à cheval ! Une seconde serait constituée de pistes et suit l’arête de
la crête bien plus haut sur les montagnes. Nous refusons cette deuxième
solution pour préserver nos gros de l’effort inutile. La gonfle de Vasco a
enfin disparu. Par précaution, nous ne lui remettons que la selle, nue. Il ne
faut pas refaire la même erreur, car même si le muscle paraît guéri en surface,
il faut lui laisser le temps de se consolider en profondeur. Les bagages de
selles sont reportés sur les autres équipiers. Je marcherais comme cela à côté
de lui encore quinze jours, soit jusqu’en Slovénie. Clio par solidarité décide
de mettre pied-à-terre elle aussi. Nous avons considérablement allégé les
bagages, faisant un tri draconien. Le petit bout de rail de chemin de fer qui
me servait d’enclume à déjà été abandonné il y a longtemps. Pour le reste,
chaque chose n’est pas lourde en soi, mais l’addition fini toujours par peser.
Nous laissons de côté parfois juste une boucle, un bout de cuir, un carnet, une
paire de chaussettes… Nous n’avons qu’un fer de secours en aluminium (150
grammes !). Nanouk et Vasco ne nécessitant plus d’apport en céréales vu
leur embonpoint grandissant, nous n’emportons que le minimum pour les deux
autres. Mais à côté de ça les arceaux de notre tente fatiguent et cassent, il
faut alors prévoir un peu de matériel de réparation. Nous arrivons finalement à
un poids total par cheval de bât (qui comprend tapis et sellerie, malles,
nourriture, céréales et bagages de selle reportés) d’une moyenne de 60kg.
Nous abandonnons encore une fois avec tristesse tous ces
amis qui nous ont permis de prendre soin de nos poneys, et chose peu évidente
en voyage, de trouver un endroit pour eux et d’y rester aussi longtemps avec
toutes les commodités…et les apéros ! Grâce à eux nous pouvons continuer
notre aventure, sainement. Un autre sentiment s’y mêle cependant :
l’impatience de remettre un sabot devant l’autre, de fouler la poussière, et
d’arriver jusqu’en Slovénie, cette terre inconnue qui est si proche et que nous
avons tant de mal à rallier.
Nous grognons après l’asphalte jusqu’aux portes de
Vittorio Veneto. Notre bonne étoile a tellement dû en avoir marre de nous
entendre ronchonner qu’elle finit par nous dévoiler au compte-gouttes des informations
jusque-là jalousement gardées sur les sentiers et pistes du terroir inexistants
sur nos cartes.
Lola et Lucas. |
Ils nous offrent ensuite des cartes de randonnée et nous
renseignent avec précision sur le chemin à prendre pour se rendre par les bois
à Vittorio Veneto, ainsi que la meilleure option pour la traverser. Il nous
suffira de longer la rivière Meschio. Insouciants nous traversons avec facilité
cette ville, lorsqu’une vieille aigrie nous reproche vivement d’un air sec de
ne pas ramasser le crottin au milieu de la route. En tout cas entre crottin et
dioxyde de carbone, elle paraît malheureusement ignorer lequel est le
meilleur !
Una birra di più per la salute Nevio !
|
Remercions Nevio, le gérant de la coopérative de Sedrano
qui nous accueille dans l’enceinte de l’entreprise pour la nuit. Par sa
gentillesse spontanée, il sait nous faire oublier la bêtise des gens. Belge
d’origine, l’amour pour une Italienne l’a conduit ici. Il fait honneur à la loi
de l’hospitalité en partageant une délicieuse bière trappiste de son pays
d’origine. Comme Oro a marché sur l’éponge d’un fer de Vasco, j’en profite
d’avoir sous la main de quoi constituer une enclume pour le réajuster. Son
ouvrier ressoude un des piquets d’attache des chevaux qui vient comme par
hasard de rendre l’âme. Un deuxième cassera le soir même. Silverio, le patron
d’un garage nous rendra le même service en nous apprenant un proverbe qui nous
fera bien rire :
« En Italia, il porco no vive vecchio,
mà il vecchio
deventa porco ! » (3)
Lance-t-il à un client qui avait un humour douteux vis-à-vis des femmes.
La tribu foule le Magredi del Cellina. |
Nous sortons des sentiers battus pour traverser une zone protégé, appelée « Magredi del Cellina ». Ces immenses lits de rivières à sec ont été créé par l’eau ravinant des montagnes lors d’importantes pluies ou à la fonte des neiges. Les alluvions drainées proviennent de l’érosion des différentes strates des Alpes, et finissent par se jetter dans la mer Adriatique. Témoins de l’histoire géologique, ces lieux sont aussi un fragile écosystème incluant encore une flore primitive, une faune diverse surtout au niveau ornithologique. Refuge extrêmement important pour les espèces migratoires, pas pour des chevaux voyageurs comme les nôtres car le pâturage sauvage est interdit pour préserver la végétation. Nous trouvons cependant une petite rivière qui nous permet une toilette et lessive encore appréciable pour la saison, les rayons du timide soleil d’Octobre ne sont à manquer sous aucun prétexte.
Pour éviter la route à fort trafic et les immenses ponts
de plusieurs kilomètres, nous coupons à travers ces fleuves fantômes,
empruntant parfois pendant des heures le même chemin vers le Sud que ces galets
depuis des millénaires. Ce paysage lunaire prend soudain des allures de front
de guerre. Un tank passe au loin et marque le lit de ses pesantes chenilles, le
canon menaçant l’horizon redevenu grisâtre. De nombreux militaires sont
déployés pour des manœuvres. Treillis, blindés, tanks, camions 4x4... Nous ne
serions pas en Italie en 2014 mais en Yougoslavie dans les années 1990, de
drôles d’idées sûrement angoissantes nous traverseraient l’esprit. Au cœur de
ce no man’s land, la vision n’est guère réjouissante bien qu’en paix, les
chevaux font si petits et vulnérables à côté de ses engins de mort.
Un changement de temps s’opère une nuit de nouvelle lune.
Le temps doux et maussade va faire place aux gelées nocturnes accompagnées de
soleil frisquet la journée pour au moins quinze jours. Cette transition prend
la forme d’une tempête des plus sévères et a lieu deux nuits consécutives,
arrachant et cassant des arbres. Nous n’en menons pas large sous notre toile de
tente au milieu d’un bosquet entouré de grands hêtres. La bâche des chiennes
s’envole et claque au vent, la pluie cingle les jambes et le visage alors que
nous tentons de leurs venir en aide et de réajuster leur abri. Nous les prenons
dans les absides alors qu’un arceau d’aluminium vient de voler en éclats. On
s’accroche à nos plumes en essayant d’avoir des paroles rassurantes :
« Mais non ces arbres là ont l’air fort, bien enracinés. » « Ça
souffle, mais ici on est plus à l’abris qu’ailleurs. » « Si une
branche casse, elle sera retenue par celles des autres arbres car ils sont bien
serrés. » Et au moindre craquement on jette un coup d’œil dehors, juste
pour être sûr…Valter et Renza chez qui nous venions de dîner en ont mal dormi
pour nous, hésitant à venir nous chercher. Ils nous invitent à nouveau le soir,
voulant prendre soin de nous. Renza s’inquiète toujours avec un débit verbal
impressionnant comme une vraie maman attentionnée, ce qui fait bien rire ses
enfants et leurs conjoints. Beaucoup de parents prennent le relais, juste un
soir, comme si nous étions leurs enfants, nous chouchouttent comme ils peuvent
avant de nous regarder partir avec toutes les meilleures recommandations du
monde.
Renza, Gudina, Mattia, Valter, Francesco et Elisabetha. |
Nous contournons l’imposante cité d’Udine, préférant
devoir nous tailler un passage à la machette pour accéder à la rivière, voir
les malles de bât tremper un peu au passage à gué plutôt que de traverser
l’enfer de béton. Puis il faut s’orienter à travers champs en levant le nez au
loin, un œil sur la boussole. A l’Est toute ! Ah si l’on pouvait évoluer
de la sorte tout le temps sans se heurter à toutes ces barrières artificielles.
Aux portes de Cividale et son pont du diable, nous rencontrons Mario, curieux
qui s’avance à la vue de notre équipe. Heureux propriétaire de deux juments, il
nous invite à faire étape chez lui ce soir à treize kilomètres de là, nous
emmène le sac de céréales que nous venons d’acheter évitant ainsi aux chevaux
un effort inutile, et propose de nous accompagner demain pour passer la
frontière Slovène par les chemins qu’il connaît bien. Bien après San Pietro
Chiazzaco, perdu en haut de la montagne, nous trouvons sa maison au charme
enjôleur. Exposé plein sud au milieu des arbres laissant pénétrer les rayons du
soleil couchant, son chalet de bois dégage un calme étonnant, une osmose avec
son environnement. Le corral lui confère un air de ranch. Face à lui s’étend en
contrebas la plaine peuplée, bientôt illuminée, débouchant au loin sur la mer
d’un bleu azur. Sa femme Beatrice
nous fait signe de mettre nos affaires dans un autre petit chalet. C’est leur
miellerie artisanale, nous pourrons aussi y dormir. Ça sent bon la cire
d’abeille. Ils nous racontent qu’ils vivent ici depuis dix ans sans
électricité. La ligne n’existait pas lorsqu’ils se sont installés, ils avaient
déposé une demande qui était tombée aux oubliettes puis, plus par choix que par
défaut, ils ont préféré vivre ainsi, le plus simplement possible. L’énergie
solaire leur suffisait. Mais avec l’arrivée de leur petit Lorenzo de quinze
mois, la vie s’en trouvera plus aisée lorsque le réseau électrique rejoindra
leur demeure. Ils vivent de petits travaux, comme la taille du foin,
l’entretien des jardins, l‘élevage de quelques cochons en liberté dans la forêt
et du miel produit par leur vingtaine de ruches. Mario du haut de ces
quarante-cinq ans, fini par raconter comment il est arrivé à ce choix de vie.
« C’est une jument qui m’a sauvé il y a une quinzaine d’années. Elle m’a fait
découvrir ce qu’est la véritable liberté » confie-t-il. Auparavant il
était moine à Castelmonte, jusqu’au jour où il a commencé à se lier d’amitié
avec ce quadrupède. Puis rapidement, les grands galops, le vent sur le visage,
la vitesse, la relation avec ce puissant animal… il a littéralement apprit sa
liberté d’homme et quitté le monastère. Cette jument, la grand-mère de celles
qu’il possède actuellement, lui a laissé un souvenir fort et inaltérable, il en
parle avec beaucoup d’émotion. Puis il a rencontré Beatrice, fondé une famille
en continuant de vivre chichement. Il aimerait revenir à la traction animale,
mais il est bien conscient qu’il ne pourrait plus gagner sa croûte de la sorte.
S’il devait aller tailler le foin dans la plaine à cheval, le nombre d’heures
pour un maigre résultat serait une perte d’argent considérable et ses revenus
ne lui permettraient plus de nourrir ni sa famille, ni ses
chevaux… « J’arrive à me passer de beaucoup de choses, mais
malheureusement de nos jours le gasoil reste roi. » déplore Mario.
Nous étudions ensemble l’itinéraire de part et d’autre de
la frontière. Mario nous met en relation avec Boris, un ami Slovène qui parle
couramment italien. Une fois à Kanal, il devrait nous donner quelques
précieuses informations sur son pays. Notre hôte selle sa Paint à la robe black
tobiano répondant au doux nom de Sioux. Son chien débonnaire et mal peigné
Socrate se fait une fête de nous accompagner. Par les petits sentiers nous
rejoignons la crête et apercevons en face sa sœur jumelle. Cette autre
montagne, c’est la Slovénie. Nous plongeons au pieds de ces deux murailles vers ce qui constitue la
frontière naturelle : la rivière Juana. Pas un panneau, pas un badaud,
nous traversons à gué hors des chemins conventionnels. Nous sortons d’Italie
comme nous sommes rentrés, d’une manière très poétique, par les chemins de
contrebandiers. Quelle n’est pas notre joie, enfin ! Nous poussons la
porte de l’Europe de l’Est, de l’Ex-Yougoslavie. Nous refermons cette aventure
italienne en saluant l’hospitalité de cette chaleureuse famille qui reflète
bien celle que nous avons rencontré tout au long de la traversée. Calorosa
Italia (4), c’est bien ça ! Au revoir et merci Mario, que le vent de
liberté continue de te porter avec ta famille aussi loin que tu le
souhaites ! Buona fortuna ! (5)
(1) Tout ce travail pour rien !
(2) A lire : http://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/2014/11/25/les-six-lecons-a-retenir-des-elections-regionales
(3) « En Italie, le porc ne devient pas vieux, mais
le vieux devient porc ! »
(4) Chaleureuse Italie.
(5) Bonne chance.
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