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Nakai sur les cîmes. |
Les
au-revoir au départ de chez Joël sont émouvants, chacun est un peu
cafardeux. Une mésaventure pour une belle rencontre. Un sacré
bonhomme que nous avons côtoyé pendant un mois et demi, nous sommes
déjà le 29 avril. Le temps accentue cette atmosphère, gris et
maussade alors que le soleil a rayonné pendant tout notre arrêt. La
cicatrisation de la plaie d'Oro arrive à son terme, enfin ! Les
parents de Clio en vacances, nous on rejoint pour une semaine. Ils
alternent entre intendance et visites touristiques, cela permet à
Oro de reprendre doucement l'activité non chargé. Le soir même,
c'est Julie qui nous accueille à Varaire. Cette amie de Joël a
choisi le métier itinérant de bâtisseuse de demeures
alternatives : les maisons en paille. Une des artisanes à
l'initiative du combat pour la reconnaissance justifiée de ces
habitations en France, notamment auprès des assurances et des grands
maîtres des « normes », elle sillonne maintenant
le pays de chantier en chantier pour les ériger. Elle a décidé
d'installer son petit pied à terre ici. il faut dire que la
dynamique alternative y parait bonne au vu de la faune qui entoure
Joël. Au Mas-de-Nuc ce ne sont pas les habitations farfelues qui
manquent. Vieux camion Berliez qui a pris racine, bardé de bois avec
terrasse de plantes grimpantes, bus habillé de troncs ou encore
surélevé offrant une vision à 360 degrés depuis cette mezzanine
de fortune, maison champignon, cabanes de mondes de voyageurs, toits
biscornus... le tout fondu au milieu des arbres, délimités par de
petits murets en pierre couverts de mousse. Non loin de là, Tonin et
Lolo préparaient leur départ en tournée avec les Cirkulez et No
System, apprêtant leurs camions afin de transporter chevaux, ânes
et mules de spectacle. Il ont aussi une collection de roulottes,
inventent diverses choses à base de récup' comme ce sulky à une
roue ou encore cet orgue de barbarie automate.
Nous
quittons ces havres de paix pour bientôt passer en plein centre
ville de Villefranche-de-Rouergue, aux sens uniques et pavés
glissants. Cela a au moins le mérite d'arracher des sourires aux
citadins ébahis. Nous nous perdons dans ces rues et arrivons bien
trop au nord, le soir arrive et nous n'avons toujours pas d'endroit
où s'arrêter. Nous voulons jouer le jeu, ne pas squatter une
prairie mais plutôt obtenir une permission. Ce n'est pas toujours
chose aisée, comme aujourd'hui par exemple. Alors que, fatigués,
nous commençons à désespérer, la famille Vast nous ouvre ses
portes à Passerat. Une amabilité qui fait oublier les difficultés
de la veille, une journée de repos qui remet tout le monde d'aplomb.
Pays
de vallons et rivières.
 |
Pont de Comencau sur l'Aveyron. |
Le
relief a grandement évolué. Les collines et plateaux
s'agrandissent. Le climat agréablement tempéré et la multitude de
ruisseaux au petits ponts de pierres rend la végétation davantage
luxuriante. Les charmants villages médiévaux à flancs de collines
pullulent de touristes. De temps à autre nous arrivons à trouver un
petit coin de paradis près des rivières, mais la marche sur la
vallée de l'Aveyron nous rend quelque peu confus, voire rageurs.
Toute cette herbe ! Les vallons en sont remplis, elle foisonne,
d'un vert fluo printanier, et pourtant personne ne veut nous y
autoriser l'accès. Tous les agriculteurs attendent pour la faucher,
dans des prairies clôturées ou non, l'agriculture moderne et
intensive voulant que les bêtes soient parquées toute l'année dans
les stabulations et nourries au foin. La loi de la rentabilité
produit la malbouffe et rend avare de ses terres, détenues et
polluées d'ailleurs par la grande majorité de ses gens illogiques.
Des paysans de leurs yeux aguerris jaugent nos montures et nous
complimentent sur leur état, discutent pendant une demi-heure et
nous envoient balader jusqu'au prochain village Eh oui mon bon
monsieur, mais pour qu'elles le restent il faut qu'elles prennent du
repos maintenant et qu'elles mangent ! Les bas-côtés remplis
de ciguë (plante ombellifère très toxique) rendent délicat le
choix de pauses et de bivouacs. Il y a de quoi penser communiste et
rendre les terres au peuple, voire anarchiste et squatter librement.
C'est ce que nous finissons par faire. Lorsque nous les voyons enfin
s'en mettre plein la panse, nous sommes satisfaits. Les voir évoluer
en troupe ou nous offrir le spectacle de jouer et de galoper, comme
dans ces immenses prairies du plateau du Lévézou sur fond de
coucher de soleil, il nous importe peu de se faire réprimander par
le paysan qui passe par là. Finalement, ceux que nous croisons
comprennent. Pour une nuit les chevaux ne font pas de dégâts, et le
propre du nomade que nous affectionnons est de laisser l'endroit
comme si nous n'étions jamais passé. Minimiser l'empreinte sur
cette Terre que nous ne faisons qu'emprunter.
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Village médiéval de Belcastel. |
S'il
n'y avait que ça pour tenter de nous casser le moral. Mais suite à
l'attaque de ce cher Filou, Vasco montre maintenant une trouille
bleue des ânes. Juste après la traversée de Rodez et ses embûches
urbaines, un âne noir déboule du haut d'un champ et se met à
braire derrière sa clôture branlante. Vasco nous refait son
légendaire demi-tour en plein milieu de la route et fonce sur le
reste de l'équipe. Je peine à l'arrêter, Clio et moi manquons de
faire un plongeon dans la haie. Oro est parti au galop dans le
virage, heureusement sans voiture en face. Bref, la débandade !
Évidemment les ânes ne manquent pas dans le coin. Quelques heures
plus tard sur un sentier étroit en bordure d'un pré, deux curieux
aux longues oreilles s'agitent à notre passage. L'entier se met bien
sûr à braire. Et c'est reparti, panique générale ! Nous les
avons en main mais Vasco me serait bien passé dessus s'il avait pu
et Nakai contaminé de peur est parti en arrière au galop. Il paraît
qu'une frayeur n'arrive jamais seule. Le chemin du GR est très
étroit, raide et grimpe en épingles. Cela demande aux chevaux
d'être calmes, habiles et à l'écoute. Vasco grille les étapes,
Nakai passe du mauvais côté d'un arbre, bloque la longe de bât et
glisse les deux pattes arrières hors du muret. Heureusement qu'il
est moins stressé qu'au début du voyage. Il rassemble ses forces,
pousse fort et parvient à se hisser. Autre anecdote, aujourd'hui Oro
a eu la dangereuse gourmandise de croquer à pleines dents la ciguë,
juste le temps de la lui retirer de la gueule. Le soir, au pied de
l'Eglise Saint-Georges perdue dans la campagne humide, nous
réfléchissons, épuisés et de mauvaise humeur. Heureusement que de
telles journées sont rares. Pourtant on ne peut pas continuer comme
ça. Nous devons absolument désensibiliser Vasco car ses réactions
deviennent dangereuses pour tout le monde. Pour cela il nous faut un
âne ! A notre plus grand bonheur, peu avant Saint-Beauzély,
nous passons devant une abbaye qui renferme une ânesse. Nous
attachons nos asticots, emmenons Vasco devant cette demoiselle et...
rien ! Aucune réaction. On se dit que ça doit être uniquement
lorsqu'ils se mettent à braire. On l'encourage donc « Allez
mémère, braie, fait hi-han ! », et nous imitons le cri
entourés de marcheurs rigolards. Mais rien n'y fait, elle ne veut
pas nous rendre ce service. Il nous faut donc un âne qui braie, et
fort !
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Viaduc de Millau depuis le plateau du Lévézou. |
Millau
marque la fin des hostilités hospitalières. Aux portes de la ville,
Carole, Olive, leurs enfants Luna et Gabin proposent carrément leur
jardin, s'excusant même de l'avoir tondu avant notre passage. Les
petits sont aux anges avec les poneys. Leurs cadeaux et dessins
enfantins au moment du départ sont touchants.
Depuis
les derniers événements, Nanouk est transformé, il marche en crabe,
énervé et énervant Clio. Passé la ville, elle le remet en bât.
Nous repartons en altitude, nous hissant vers les Causses Noirs. La
végétation redevient rasante, les petits chênes verts sont rois,
les pins ne sont guère plus grands. Les buis poussent sur les
caillasses. L'herbe pique les fesses et se fait rare. Le sentier GR
nous tend quelques embûches. Impraticable par son étroitesse ou
encore des roches formant des marches trop hautes pour les chevaux.
Les demi-tour sont périlleux avec quatre chevaux chargés au bord du
vide. Nous approchons du chaos de Montpellier-le-vieux. L'endroit
porte bien sont nom, la croûte terrestre est sans dessus dessous. De
gigantesques rochers sont empilés les uns sur les autres, tiennent
en équilibre on ne sait comment au milieu de la forêt aux mailles
serrées. L'érosion responsable de ce chahut a aussi creusé des
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Labyrinthe du Chaos. |
ravins, comme celui de Monna dont la vue est vertigineuse et où nous
rebroussons chemin pour passer par la route. Cela fait six jours que
nous marchons. Il faut offrir une journée de repos à nos équipiers,
et trouver un endroit clôturé qu'ils puissent s'ébattre librement.
Nous tentons notre chance à la ferme équestre Les Pélissiers. La
famille Robert nous accueille volontiers. Ils élèvent des vaches à
viande, mais façon western, c'est à dire en les menant à cheval
sur les quelques centaines d'hectares leurs appartenant. Ils ne
manient le lasso qu'en cas de problème extrême, un taureau blessé
à soigner par exemple, préférant conduire leurs bêtes dans le
respect, sans stress. Bruno et son père qui est berger nous
racontent d'inquiétantes histoires. Ils avaient un âne entier qui
attaquait leurs chevaux. Ils l'ont vu les attraper à la jugulaire et
se suspendre pour tenter de les étouffer, les victimes se débattant
comme elles pouvaient pour s'en débarrasser. « Une vraie
saloperie ! » nous dit l'ancien. Tonin nous avait raconté
une histoire similaire, il avait du frapper l'âne pour le dégager.
Celui-ci avait ensuite mordu les tendons du postérieur du cheval qui
s'asseyait dessus de douleur pour lui faire lâcher prise. « Et
vous auriez-un conseil contre les attaques d'ânes entiers ? »
Demandons-nous au vieux berger. « Ah oui, une seule chose,
évitez-les ! » répond-il convaincu en s'éloignant avec
ses brebis. Bruno va dans son sens en nous souhaitant bonne chance.
« Et protégez-vous ! » ajoute-t-il après nous
avoir donné les renseignements nécessaires sur l'itinéraire à
suivre. Voilà qui est rassurant...
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Sur le toit de l'Aigoual. |
Sauvages
Cévennes.
Au
pied des Cévennes, le plateau pelé et battu par les vents la
majeure partie de l'année est à l'image du célèbre Larzac tout
proche. Les couleurs y sont ternes, le ciel très bas. L’absence
d'arbres a poussé les bâtisseurs à exceller dans la construction
de pierres, devenus maîtres de la clé de voûte pour remplacer les
charpentes. Par dessus les arcades, les toits sont formés de lauzes,
des tuiles taillées dans la pierre. Le climat a l'air rude, mais les
quelques personnes qui le peuplent à part les vautours guettant les
brebis sont entières et gentilles, même si elles peuvent parfois
paraître froides au premier abord. Les clôtures y sont quasi
inexistantes. Qu'il est bon de pourvoir jeter son regard au loin sans
se heurter aux barbelés. Lorsque l'on demande une place dans une
ferme, on nous répond « mais où vous voulez ! ».
La bergère nous dégote alors un endroit à l'abri du vent où nous
pouvons laisser les chevaux en semi-liberté. Ses brebis, dont le
lait sert pour la fabrication du roquefort, ne sont pas encore
passées partout, mais peu importe dit-elle. Ces gens nous
réconcilient avec l'humanité.
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Draille de pierraille. |
Après
l’échauffement des premiers dénivelés, on passe aux choses
sérieuses. Les Cévennes se dressent devant nous. Sauvages, elles
sont d'un panel de verts, du foncé des pins au clair des jeunes
pousses de hêtres, mouchetées du jaune des genêts en fleurs. Le
ciel passe du bleu éclatant au gris écrasant. Des traînées
d'averses se dessinent au loin. On pourrait presque voir le vent
tellement il est présent. L'ascension vers le premier col est raide.
Nous subissons à notre surprise deux grosses averses de grêle, puis
nous nous demandons vraiment où est-ce que nous allons de la sorte
lorsque que la neige raye le paysage, s'accrochant aux crinières.
Invraisemblable, nous sommes mi-Mai. Nous avons été bien inspirés
de ne pas y passer cet hiver. Au sommet du Mont Aigoual à 1600
mètres, il souffle un vent du nord aussi extraordinaire que la vue
qu'il offre. Poussés par l'air ! On croirait s'envoler jusqu'à
la méditerranée que l'on distingue au loin. Les mains nous gèlent,
nous attrapons nos blousons d'hiver restés depuis belle lurette au
fond des mallettes. Nous rigolons à notre impression d'être des
aventuriers bravant les éléments. Toutes ces montagnes, si grandes,
si sauvages, et nous si petits ! Elle donnent une impression de
liberté. Les chevaux sont d'un calme respectable, les crins à
l'horizontale, croupe au vent le temps de trouver une solution.
Quelques personnes nous renseignent, en effet une station météo est
à plus grande raison installée là. Il va geler cette nuit. Les
chevaux ont perdus leur poil d'hiver. Nous sommes contraints de
redescendre à la station de ski de Prat-Peyrot à 1400 mètres
d'altitude. Nous trouvons refuge dans une cabane en bois servant
sûrement d'abris bus. Situation plutôt cocasse, nous attachons les
chevaux à brouter sur la piste de ski, sous les tire-fesses dressés
entre les arbres. Le lendemain nous nous équipons en conséquence
pour passer ce sommet venteux, gants, bonnets, blousons... Nous
empruntons ensuite la draille, autoroute de transhumance. Étroite et
pierreuse, elle demande calme et dextérité. Nous organisons nos
équipes de façon à mettre celui que l'on doit canaliser devant, et celui qui suit
sans difficulté derrière. Les sabots se placent assez adroitement
dans le pierrier. Nakai s'amuse à jouer la biquette sur la bordure
de caillasse. J'ai beau le sermonner et lui expliquer que cette
partie peu s'effondrer, il continue de faire le malin. Érigé au fil
des temps par les bergers, stabilisé pierre par pierre, ce sentier
est un travail titanesque. Parfois à flanc de montagne, parfois avec
vue au nord et au sud en même temps, à dos de montagne. Il suit
toute la ligne de crêtes traversant le massif, hérissé de
ramifications pour amener les troupeaux dans les alpages et vallées.
Vestiges d'une tradition en perdition, quelques vieux
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Le grand souffle qui décoiffe. |
bergers
emmitouflés dans leur veste et coiffés de l'incontournable béret
veillent encore sur leurs troupeaux. Une vie rude que bien peu de
jeunes souhaitent relayer. Encore une fois notre mauvaise carte nous
trahit et nous redescendons par erreur sur Valleraugue. Un bien pour
un mal, l'herbe y est verte, les températures plus clémentes et
nous sommes à l'abri du vent au fond de la vallée. De belles
rencontres aussi qui pourrait laisser croire au destin. Tout d'abord
Julie, une saisonnière agricole avec qui nous passons la soirée,
puis Matéo et sa famille qui habite plus haut. Les Portela ont des
origines argentines, de Cordoba. Nous faisons connaissance et
évoquons ce pays qui nous est cher autour d'une petite « picada
» (collation). Le contact est fort, l'humour de rigueur, et nous
transpose de l'autre côté de l'Atlantique. Une autre forme de
voyage. Ils nous renseignent aussi sur notre itinéraire. En montagne
tout devient plus incertain, il faut glaner le maximum d'informations
possibles. Nous avons appris à nos dépends que l'on risque d'être
bloqué ou de devoir rebrousser chemin. Les détours sur ses reliefs
sont tout de suite démesurés. Il faut aussi prévoir où
bivouaquer, trouver une pâture hors des pentes abruptes et dénicher
de l'eau pour abreuver les chevaux. Ne pas rester trop sur les
hauteurs pour ne pas s'exposer trop au vent glacial. Crapahutant sur
les crêtes, elles s'estompent peu à peu pour laisser la place à la
Camargue. Ici et bien après, nous croisons bon nombre de plaques
commémoratives de jeunes maquisards lâchement assassinés par les
nazis, ou de bergers ayant eu un rôle clé dans la résistance.
Folie, fureur des hommes à ne jamais oublier et à ne pas
reproduire. Ces lieux ont été les témoins de véritables chasses à
l'homme. Comment l'extrême droite peut-elle encore marquer des
points de nos jours ? Rien que de passer devant ses plaques et à
cette pensée cela nous fait froid au dos. La liberté que nous
essayons tous d'atteindre à notre manière tient à si peu de
choses.
 |
L'avancée des averses. |
Traditions
et désensibilisation.
Dans
la plaine, de petits panneaux « Roulotte-bar » nous
intriguent. Nous les suivons et arrivons dans une propriété où des
jeunes entre quinze et dix-sept ans sont en grande préparation d'une
fête. Une roulotte sert effectivement de bar. Un groupe viendra
jouer ce soir. Leur but est de récolter suffisamment de fonds afin
de pouvoir se construire une grande roulotte qui leur servirait de
lieu de réunion plutôt que de traîner à l'arrêt de bus. Nous y
contribuons en se désaltérant à leur bistro improvisé et nous
remettons en route pour trouver un lieu propice à une journée de
repos. Quelques kilomètres plus loin, nous tombons sur un domaine
équestre, une pension et élevage de shetlands. Tony, Audrey et leur
fille Eden nous accueillent à bras ouverts. On ne se trompe pas en
disant que ses gens sont altruistes, uniquement constitués de
gentillesse. Défenseurs de la cause animale, ils ont du mal à
vendre leurs poneys car difficile de trouver la famille d'accueil
digne de confiance. Militants contre la corrida et autres
traditions camarguaises, ils sont même devenus végétaliens par
refus de cautionner toute la souffrance animale engendrée par les
élevage intensifs, les moyens de production et traitements
médicamenteux, les abattoirs et la maltraitance qui y sévit, les
bêtes tués pour rien dont la chair termine au fond des bennes à
ordures pendant que le tiers-monde meurt de faim, l'énergie dépensée
pour tout cela... bref une liste qui peut s'étendre bien plus
encore, qui vous retourne la tête de vérité écrasante. Largement
de quoi se sentir coupable.
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Parer à la souffrance animale : chaussons contre les épines. |
A
peine repartis de chez eux, Vasco refait des siennes. Demi-tour
devant des biquettes armées de clochettes. Il a du oublier de mettre
ses lunettes. Toujours est-il que la longe de bât me file entre les
mains, il pousse Clio et Nanouk au fossé, embarque Oro au galop. Une
impression de déjà vu peut-être ? Malgré la chaînette
ajustée en sous-barbe, je n'avais pas anticipé ce coup là. Oro
s'arrache un fer postérieur dans la débâcle, cassant toute la
corne et ne laissant aucune place pour reclouer. A Quissac, nous
rencontrons Annie, une amie d'Audrey qui nous donne le numéro d'un
maréchal car je ne trouve pas de solution à ce problème épineux.
Quelques minutes plus tard, la providence met Virginie, Jessica et la
petite Kenza sur notre route. Elles nous proposent un pré où nous
profiterons pour faire venir Maty, le maréchal qui referrera Oro le
lendemain, tout simplement. Il me donnera aussi des conseils sur le
parage contre l'évasement du sabot. Les filles ont monté
l'association « un espoir de liberté » qui recueille les
équidés maltraités. Des gens leurs prêtent des terrains, elles
vendent des bijoux en crins de cheval, obtiennent quelques donations.
Elle tentent ensuite de replacer sous contrat leurs pensionnaires
dans de bonnes familles. Deux d'entre eux se prénomment Wallace et
Gromit, ce sont deux ânes dont un entier. Parfait pour
désensibiliser Vasco. Encore une fois ce dernier n'en a rien à
faire et leur renifle le museau comme si de rien était. Virginie et
Jessica nous racontent leurs expériences avec leurs propres chevaux
et finissent par nous convaincre qu'il ne s'agit pas là de véritable
frayeur, mais plutôt d'une crise d'adolescence classique entre cinq
et sept ans. Fourchette qui paraît juste, Vasco n'a pas encore cinq
ans, Nanouk en a six et n'est pas en reste ces derniers temps.
Les
causses sont de retour. La garrigue a gagné du terrain avec ses
senteurs de thym et de romarin, l'herbe se raréfie et sèche. Le
sentier à la voûte de buis nous mène jusqu'à Fons, où René et
Annie, eux même randonneurs à cheval nous proposent un paddock à
l'herbe grasse. Ils nous éclairent sur cet oiseau dont le chant
« pupupu » résonne sans cesse dans la garrigue, lui
conférant une ambiance spéciale qui nous est étrangère. C'est la
huppe fasciée, appelée aussi Pu-Pu, forcément. Comme nous, c'est
un oiseau migrateur avec une drôle de crête.
 |
Décontraction au bord du Gardon. |
Les
gorges du Gardon sont les prémices de baignades estivales. Le
village de Collias est l'endroit idéal pour y fêter mes trente ans,
un coin tranquille au bord de l'eau. Mais l'accès s'avère
difficile. Une fête taurine s'y déroule. L'abrivado est une
tradition qui remonte à l'époque où les manadiers conduisaient
leurs taureaux du pré aux arènes en les entourant de huit
cavaliers formant la pointe d'un triangle. Les guardians galopaient
alors dans les villages pour éviter que les habitants ne fassent
s'échapper le taureau pour s'en amuser. Aujourd'hui ils reproduisent
cette scène dans les villages, lâchant le taurillon d'un camion du
haut de la rue, escorté au galop par les chevaux ferrés de crampons
prévus pour le bitume jusqu'à un autre camion. Les jeunes gens se
mesurent à lui en essayant de le coucher, l'attrapant par la queue,
les cornes... Autre fête locale, la course camarguaise. Elle
consiste à attraper des cocardes accrochées sur différentes
parties du taureau pour marquer des points.
Changement
de décors, une horde de cavaliers internationaux soulèvent la
poussière du Brésil ! Mathieu, Kesley et leur toute récemment
née Tallulah viennent à notre rencontre et nous racontent cette
aventure qui a duré un an et demi. Après un rassemblement Rainbow
dans le pays, ils se sont mis en tête avec une vingtaine d'autres
« Warriors » de tenter l'expérience, de vivre de leurs
spectacles de rue et autres petits travaux tout au long d'un périple
nomade, à cheval. Une organisation qui n'avait pas l'air d'être
simple au vu du nombre qu'ils étaient, mais une belle notion de
respect et de partage pour réussir à tous s'entendre. Un sacré
voyage !
Les
rencontres sont toujours plus diverses et variées. Ce sont
maintenant Manon et Guillaume qui nous invitent à dîner dans leur
demeure à Meynes, les chevaux en sécurité dans un paddock où
Manon donne des cours d'équitation camarguaise. Nos hôtes sont en
effet de fervents admirateurs des traditions du pays, se battant pour
que celles-ci perdurent. Guillaume qui a beaucoup mené les abrivades
avec son cheval, travaille dans une entreprise qui étudie et
améliore les OGM. Passionné, il nous montre des vidéos dont
certaines montrant le danger réel que comportent ces fêtes, des
chutes spectaculaires de cheval, échappées de taureaux... Actions à
l'opposé total de celles de ce que l'on a pu connaître auparavant,
ils ne nous réservent pas moins un accueil chaleureux, faisant tout
ce qu'ils peuvent pour nous rendre service, offrant le foin aux
chevaux. Ils fonctionnent de même avec leur entourage, « tant
qu'on peut, il faut se serrer les coudes » aiment-ils à
répéter.
 |
Kali et Rustine, fidèles cabots. |
Une
barrière naturelle se dresse devant nous, le Rhône et son immense
lit. Les ponts n'y sont pas légion et toujours démesurés pour nous
qui redoutons le trop plein de circulation. Nous préférons
traverser par celui qui relie les centres villes de Beaucaire à
Tarascon, les véhicules y roulant à faible allure. Passer les deux
cités demande déjà beaucoup de patience et de vigilance, mais au
moment le plus délicat, les bus trop pressés n'attendent pas que
nous soyons de l'autre côté du fleuve pour nous doubler dans un
puissant bruit de moteur rugissant malgré nos signes pour les faire
patienter. Peu leur importe si les chevaux s'excitent dangereusement
lorsqu'ils nous collent puis nous rasent sur cet étroit pont aux
rambardes insignifiantes. Attendre sur cent mètres en gardant une
distance de sécurité serait trop leur demander. Le comportement des
citadins est déconcertant, tellement habitués à ce que tout aille
à toute vitesse, se croyant intouchables dans leur habitacle de tôle
et pourtant le danger est là aussi pour eux... Cela nous fait sortir
de nos gonds. Nos deux chiennes elles, sont exemplaires. Elles
tiennent leur droite sachant pertinemment à notre timbre de voix que
le moindre écart ne sera pas toléré. Nous peinons à trouver la
sortie dans cette jungle d'asphalte, des piétons nous aiguillent,
mais au portes de la ville point de prairies et il est largement
l'heure de s'arrêter. Par chance Yves nous recueille au bon moment
et nous invite chez son amie qui a un jardin en périphérie. Autre
rencontre atypique, il est témoin de Jéhovah. Il me distribue ses
petits fascicules mais n'insiste pas lorsque je lui révèle que nous
sommes profondément athées. Nanouk est venu à bout de ses fers au
bout d'un mois et demi. Celui de l'antérieur gauche est cassé en
deux. Je trouve un maréchal non loin d'ici grâce aux pages-jaunes.
Barth nous rend l'immense service de nous amener un jeu de fers qu'il
refuse que je lui paye. Nanouk chaussé à neuf le matin, nous sommes
prêts à attaquer les Alpilles.
 |
Belles Alpilles. |
Horizon provençal.
Ce
massif est tel un erg de montagnes pierreuses aux multiples senteurs
de thym, de romarin, de pins... Aux sommets, la plaine dénaturée
par la main de l'homme s'étend tout autour. La vue pourrait être
jolie car elle s'étend loin. Pourtant les infrastructures la
gâchent : usines, serres, villes, zones commerciales, routes,
cultures intensives... Les sentiers du parc naturel des Alpilles sont
encore ouverts au public, mais pas pour longtemps. A partir du
premier Juin, la réglementation sur la libre circulation entre en
vigueur en vue de protéger l'endroit contre d'éventuels incendies.
Le mistral souffle fort, séchant tout sur son passage aidé par le
soleil ardent. La sueur dégouline avec l'effort. Des citernes de
pompiers nous fournissent de l'eau lorsqu'elles sont ouvertes. Les
pistes DFCI (Défense des Forêts Contre l'Incendie) sont un bon
terrain pour marcher. Malheureusement notre carte ne les recense pas
toutes et nous faisons des kilomètres en trop, tournant parfois en
rond malgré l'impression d'être sur la bonne voie grâce à la
boussole. Le relief cache la réelle direction que prennent les
pistes, bifurquant parfois brusquement pour suivre un autre flanc de
montagne. Au pied du massif, presque chaque village possède ses
propres arènes. Les fincas d'élevage de taureaux possèdent la
majorité des terres d'élevage. Ce sont les dernières que nous
croiserons. Partout ailleurs s'étendent les champs d'oliviers, et
puis le fleuve de la Durance n'est plus très loin, marquant la
frontière avec le Lubéron.
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Rafraîchissement dans la flaque. |
Dépourvus
d'un lieu où dormir le soir en arrivant à Eyguières, Olivier et
Karine nous sauvent la mise alors que nous arrivons au bar de la
grande place où nous allions tenter de prospecter. Ils m'emmènent
me montrer la route jusqu'à leur pré où ils possèdent deux
chevaux camarguais pendant que l'attroupement se créé autour de
Clio et les chevaux. Pour s'y rendre, il faut passer devant une
volière de paons, deux ânes, une meute de chiens. Nanouk fait le
guignol pour changer de Vasco. Au fond du chemin habite Pascal qui
nous invite pour l'apéro avec son fils Willy et son ami Renaud.
Heureux hasard, Pantoufle est pensionnaire de la maison, âne de son
état disposant de ses attributs et réputé bavard. Parfait pour
s'assurer de la bonne désensibilisation de notre équidé pubère.
Nous obtenons alors la certitude que les manifestations de la peur de
Vasco dépend uniquement de sa bonne volonté, il en est de même
pour Nanouk. A nous d'être vigilants, d'anticiper les possibles
prétextes et de ne pas leur montrer notre éventuelle inquiétude.
Il est tout de même certain que la mésaventure du Quercy a laissé des
séquelles. Le comportement des quatre chevaux est différent depuis.
A nous de rééduquer cela. Ils nous ont d'ailleurs fatigué, nous
choisissons de chômer le lendemain, pour nous et non pas pour eux
cette fois. Ras-le-bol ! Nous passons la journée avec les
voisins, donnant un coup de main pour les finitions d'une porte de
serre, avec barbecue à la débauche.
Nous
avions premièrement choisi de passer par les hauteurs du Lubéron,
loin de la civilisation. L'éternel problème de nos cartes mal
détaillées nous contraint après avoir dû dévier de notre
trajectoire initiale car beaucoup de chemins étaient impraticables à
cheval, à demander des itinéraires au gîte équestre du Mas de
Recaute puis d'acheter des cartes au 1/25 000e à Lourmarin pour les
futures zones difficiles. Malheureusement les offices de tourisme
sont rarement capables de répondre à nos interrogations. Alors que
nous campons à côté de chez eux, Florence et Georges viennent nous
trouver pour passer une agréable soirée chez eux. Par un concours
de circonstances, ils se sont retrouvés propriétaires d'une troupe
de sept ânes qu'ils emmènent chaque année en transhumance par les
chemins avec d'autres troupeaux. Georges, ex-baroudeur très manuel
s'est même improvisé fabricant de bâts de randonnée. Eric, leur
maréchal, se montre aussi bienveillant que ces derniers, et refuse
catégoriquement que je lui règle les fers qu'il amène. « Il
nous reste au moins ça ! » dit-il en nous souhaitant
bonne route. L'humanité triomphe parfois sur le règne de l'argent.
Le matin Florence fait un bout avec nous et nous montre les sentiers.
Elle nous met au parfum de la bonne tenue qui est de mise dans les
villages touristiques de Vaugines, Lucuron... où il n'est pas toléré
de laisser derrière soi des « petits paquets » sur
le bitume comme me le signifiera un agent de police municipal. Une
toutou-nette ne sera pas suffisante pour nos quatre machines à
crottins ! A l'étang de la Bonde, je ferre le reste de
l'équipe, profitant de la proximité de l'eau pour des pauses
baignades avec les poneys. Joran qui fait de même avec ses juments,
curieux et bavard vient passer du temps avec nous. Il nous parle de
sa vision de l'équitation et son intérêt pour l'éthologie. D'une
nature très calme, la relation qu'il entretient avec ses juments est
en effet exemplaire, car fondée sur le respect et la compréhension.
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Grimaces comiques de Vasco à la fontaine. |
A
Mirabeau nous passons la Durance pour la seconde fois et longeons le
centre d'essais nucléaires de Cadarache. Que l'herbe est verte ici !
Et que les taons sont gros ! C'est le résultat du progrès mon
petit... Comme cette base militaire à Lamanon, barricadée de
pancartes « Entrée interdite, danger, zone polluée. ».
Les apprentis sorciers ont fait fausse note. Le Verdon reste encore
un endroit de baignades et de détente apprécié, jusqu'à la
prochaine fuite sûrement. L'eau est claire, rafraîchissante à
souhaits et accessible aux chevaux. Vasco nous gratifie toujours de
ses simagrées, remuant l'eau de ses babines et nous faisant éclater
de rire. Les fontaines des petites places ombragées des villages du
sud-est sont une bénédiction. température avoisine maintenant les
trente degrés et nous faisons une plus longue pause en milieu de
journée aux heures chaudes, repartant à la fraîche. On ne pourra
cependant pas suivre les gorges de la rivière. L'impressionnant
canyon n'offre pas de passage suffisant pour nos équidés. Une halte
s'impose au lac de Sainte-Croix après avoir traversé le plateau des
célèbres champs de lavande de Provence. La chaleur est telle que
les orages ne cessent de couvrir le ciel de leurs nuages menaçants,
bloqués dans cette cuvette. Les copains n'ont cessés de venir nous
voir chacun leur tour, mettant leur bienfaisant grain d'amitié et de
festivités sur notre chemin. Mika, Jenny, Jess, Yo et Chloé, Lucie
et Maël, Ophélie, Angy et le petit Arthur, maintenant Alban, et
bientôt Cécile, Lolo, Damien, Aminata, Lucie et Pivi. Nous
rencontrons par la même occasion Pierre et Sunshine, deux voyageurs
belges sur la route respectivement depuis deux et quatre ans, l'un en
moto et l'autre en vélo avec une petite remorque. L'attelage doit
être comique lorsque la 125cm3 tire le vélo dans les côtes,
Sunshine les dreadlocks au vent. Ils se sont rencontrés lors des
manifestations contre l'aéroport à Notre-Dame des Landes. Ils
s'efforcent aujourd'hui de vivre sans argent, demandant les invendus
sur les marchés où dans les supérettes. Nous rigolons beaucoup à
propos de la théorie du complot. Pierre demande « Pourquoi
théorie d'ailleurs ? » sous les éclats de rires
généraux. Est-ce vraiment bénéfique d'être paranoïaque à
ce point ? Ils nous parlent de ces pyramides soit-disant découvertes
en Bosnie. Nous sommes très cartésiens et savons qu'elles sont
décriées par la communauté de chercheurs internationaux. Comme
nous allons vers les Balkans, ils nous donnent quand même
rendez-vous là-bas sur de grands au-revoir. On a des efforts à
faire avant ça. Rien que le sentiers des muletiers pour remonter sur
le plateau nous arrache la sueur. Une fois en haut, la propriétaire
d'un camping et centre équestre nous refuse de l'eau potable « Ça
aurait été pour les chevaux oui, mais pour vous non ! »
lance-t-elle. Désemparés par sa bêtise, nous allons frapper chez
la voisine qui accepte volontiers et nous renseigne sur le meilleur
chemin à prendre. Moustiers Sainte-Marie est à flanc de falaise, la
voie romaine qui monte au dessus par le ravin est faite de pavés
trop glissants pour les chevaux. Il va nous falloir faire un gros
détour. Pour contourner Moustiers et arriver sur les hauteurs le
sentier grimpe avec un tel dénivelé qu'une fois en haut les chevaux
sont en nage, Vasco victime de sa surcharge pondérale met une
demi-heure à retrouver son souffle. En guise de récompense, Pascal
leur offre à Venascle un pré clôturé. Un peu de liberté pour nos
gros qui pâturent à la longue corde depuis plusieurs jours.
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Sainte-Croix à la nage. |
Les
orages se répètent chaque jour. Ils ont au moins le mérite de
faire pousser l'herbe dans les alpages et de rafraîchir l'atmosphère
avant de difficiles grimpettes. L'herbe supplante la garrigue. Les
lavandes et les cerisiers sont en retard à cette altitude. Nous
arrivons à 1400 mètres par l'ancienne voie romaine, longeant les
crêtes, des vautours tournoyants au dessus de nos têtes pendant que
deux orages déchaînent leurs éclairs sur les sommets voisins.. Le
plafond nous paraît bien bas tout d'un coup. Au milieu d'un alpage,
un troupeau de brebis broute au loin tranquillement. « Tiens
regarde elles sont gardées par des patous. » lance-je à Clio
« Oh oui, ils sont balaises, j'aimerais pas qu'il viennent sur
nos chiennes. » ajoute-t-elle. Un gros aboiement nous fait
sursauter, une patou était cachée
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Petit air péruvien. |
derrière un buisson. Elle se met
en tête de nous suivre sonnant l'alarme à ses quatre autres
congénères qui décident de descendre la pente à notre rencontre.
N'en menant pas large, Clio reste en arrière pour faire diversion
pendant que j'emmène vite les chiennes vers l'avant. Travailleuse
indigne, elle abandonne son troupeau pour nous suivre encore un
moment jusqu'à ce que l'on rentre dans une forêt, les siens ont
aussi abandonné. Elle n'avait pas l'air si méchante finalement,
mais mieux vaut prévenir. On a déjà notre compte de débandades.
Christelle et sa famille de rastas nous présentent Edouard, berger à
la retraire qui nous prête ses terres à Chasteuil. D'une tchatche
soutenue, il maudit le loup que les patous stoppent à peine. Selon
lui ils pullulent : « ils sont même sur la promenade des
anglais ! » argue-t-il. Le chaud humide environnant donne
un air péruvien aux montagnes vertigineuses avec leurs petits murs
en pierre, la voie romaine large comme un sentier muletier, le Verdon
sillonnant en contrebas. Le matin, la brume reste accrochée sur les
pics verdoyants. C'est ensuite le déluge qui nous bloque la journée
à Castellane. Napoléon est aussi passé par là à cheval avec ses
troupes pour reconquérir Paris. Nous nous enquérons de la météo
pour passer entre les averses le lendemains jusqu'à Briançonnet,
alternant tronçons de routes et de pistes. Les petits sentiers sont
devenus dangereux par le ravinement dû à la forte pluviométrie. La
clue de Saint-Auban est impressionnante. L'Estéron tumulteux au cœur
de la roche, un gigantesque canyon qu'emprunte une route sinueuse
creusée dans la muraille n'offrant que des virages sans visibilité.
Nous pressons le pas. En cette moyenne montagne, lorsque nous
cherchons où établir le campement, on nous montre toutes ces
grandes prairies sans clôtures. L'heure des transhumances a sonnée
dans les Alpes de Haute-Provence, les brebis ont désertées le coin.
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Gé, "la machine apicole". |
C'est
enfin dans la plus grande joie que nous arrivons le 16 juin chez nos
amis Gé et Méli, installés à Saint-Pierre, perdus dans la
montagne au dessus de Puget-Théniers. Nous allons pouvoir fêter
dignement les vingt-six ans de Clio avec les copains. Après avoir
voyagé ensemble en Afrique de l'Ouest et fait quelques saisons
agricoles, nous ne nous sommes pas vus depuis cinq ans. Ils se sont
convertis à l'apiculture. De leur travail méthodique et à l'écoute
de la nature naît un miel des plus délicieux. Ils nous expliquent
cet art en tenue de cosmonaute sur un fond de bourdonnement. Nous
faisons connaissance avec la faune locale. Tout un réseau d'amis qui
s'entraident, troquent des denrées alimentaires ou services, voulant
court-circuiter les supermarchés et autres temples de la malbouffe.
Ils élèvent leurs volailles et entretiennent leur potager quand ils
ont le temps, car c'est l'effervescence en cette saison. Il faut
déjà récolter certaines ruches et en tirer le miel de montagne,
transhumer les abeilles sur le plateau de Valensole où elles
produiront le si prisé miel de lavande. Nous aussi étudions notre
chemin de transhumance, quel sera le meilleur passage vers l'Italie ?
Nous glanons des informations ici et là, recherchons des cartes.
Nous avons aussi dû changer à nouveau de tapis de selle. Avec les
fortes chaleurs, les dos des chevaux deviennent plus sensibles et les
couvertures militaires n'étaient pas assez amortissantes. Elles
avaient le mérite de ne plus couper les poils des reins, mais de
petites gonfles sont apparues, surtout sur Nanouk tellement bien en
chair que les selles ne sont plus si adaptées à son dos qu'au début
du voyage. Le sellier JMS que nous avions rencontré dans le Lot nous
en a conçu sur mesure pendant que nous soignons ce désagrément. Michel, le beau-père de Méli qui est berger, prête ses prés
verdoyants pour nos poneys qui prennent des forces durant trois
semaines avant de passer les Alpes et la frontière italienne.
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De gauche à droite et de haut en bas : Annie et René ; Guillaume ; Luna, Gabin, Carole, Olive ;
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| Pascal, Willy, Renaud ; Emmie, Olivier, Karine ; Virgine ;
Florence ; Eden ; Manuela, Matéo, Nathalie ; Sunshine, Alban, Pierre |
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